dimanche 3 avril 2016

Synthèse "le drame de l'enfant doué" d'Alice Miller



     

     Parce que cela m'a vraiment apporté des clés de compréhension de ce que je vivais et constatais que d'autres également autour de moi, notamment ceux qui se reconnaissent dans les descriptions de zèbres, j'ai décidé de vous donner un petit condensé des principaux points abordés par Alice Miller dans ce livre. En espérant qu'il vous permette aussi d'avancer et de vous détacher de cette pression qui ne vous appartient pas.


  • L'enfant a des besoins fondamentaux :


1. D'être pris au sérieux, d'être considéré pour ce qu'il est, afin qu'il développe un sentiment de soi sain, un narcissisme sain.
2. Ce qu'il est correspond à ses sentiments, ses sensations et leur expression. C'est le sentiment profond de son identité. 
3. Lorsqu'il est dans une atmosphère de respect et de tolérance de ses sentiments, il peut abandonner la symbiose avec la mère et aller vers l'autonomie et l'individuation.


Les besoins narcissiques normaux de l'enfant sont :
- l'investissement narcissique d'un objet qu'il considère comme une partie de lui-même. il ressent de la déception ou le sentiment d'être blessé quand l'autre ne se comporte pas comme il l'attend ou en a besoin. 
- la mère est le premier objet investi narcissiquement avec une phase symbiotique puis une lente séparation entre soi et l'objet. 
- un besoin légitime d'être vu, compris, respecté pris au sérieux par sa mère.

Le narcissisme sain

    Dans une atmosphère familiale saine, la mère se laisse "utiliser" comme fonction du développement narcissique de son enfant.  Le climat affectif est accueillant, comprend les besoins de l'enfant (la mère ou si elle le permet d'autres personnes).
     On peut avoir un sentiment de soi sain si on a la certitude que les sentiments ou désirs ressentis appartiennent à son propre soi. Dans ce contexte, l'enfant peut vivre et exprimer ses sentiments : tristesse, désespoir, besoin d'aide, sans peur d'avoir insécurisé l'introject maternel.
Il a le droit d'avoir peur s'il est menacé, le droit de ressentir de la colère quand il est soumis à la frustration. 

Les critères d'un narcissisme sain sont :

1. Les pulsions agressives sont neutralisées car elles n'ont pas ébranlé l'assurance de la mère et son respect de soi
2. Les tentatives de quête d'autonomie de l'enfant ne sont pas ressenties comme des agressions.
3. L'enfant a le droit de vivre jusqu'au bout sa jalousie, sa colère, son obstination. 
4. L'enfant ne doit plaire à personne, il peut montrer ce qui vit en lui à chaque stade de son développement. 
5. Il peut utiliser ses parents comme un enfant le doit car ses parents ne dépendent pas de lui mais lui dépend d'eux.
6. Il y a une vraie séparation de soi et de la représentation de l'objet. 
7. Il a le droit de montrer ses sentiments ambivalents bons/mauvais sans avoir à les séparer (contradictions internes normales) 
8. Les parents aiment leur enfant en tant qu'être autonome.



  • Dans une situation insecure :


     La mère n'est pas sure émotionnellement. Son équilibre dépend d'un certain comportement de son enfant. L'enfant développe une aptitude à sentir, de manière inconsciente, ce besoin de la mère (ou parents) et le satisfait. Remplir cette fonction lui apporte ce qu'il confond avec l'amour. Ce besoin de lui que vit sa mère assure sa survie.  Ces enfants deviennent les mères (confidents, soutiens, consolateurs, conseillers, substituts affectifs) de leur mère.

Cela le conduit à un sensorium particulier pour les signaux inconscients des besoins des autres.

Conséquences :

1. Impossibilité de vivre ses propres sentiments (jalousie, colère, sentiment d'abandon, sentiment d'impuissance)
-> déni, renversement dans le contraire (sentiment que ce sont les autres qui ont besoin de lui), renversement de la douleur passive en comportement actif, introjection (internalisation du parent censeur), intellectualisation.
-> refoulement

2. Développement d'une personnalité fictive, d'un "faux soi" : il développe une attitude conforme à ce qu'on attend de lui. Le vrai soi ne peut se différencier car il ne peut être vécu. 
-> sentiment de vide, d'absurdité
-> anéantissement partiel de ses propres possibilités 

3. Permanence du lien qui empêche la délimitation par rapport à ses parents. L'enfant ne peut se fier à ses propres sentiments car il n'en a pas fait l'expérience (essai/erreur)
-> il est aliéné de lui-même, il a besoin de la confirmation de ses partenaires.

Il reçoit un amour biaisé sur l'enfant projeté et non sur lui réellement. 

Cela peut conduire à une forme de dissociation. Exprimer ses fantasmes sains d'être au centre de l'attention, des regards de ses parents, en prendre conscience, met fin à la dissociation. 


  • Description des troubles narcissiques


Les troubles narcissiques peuvent se révéler de deux façons différentes :

1. La dépression :

- sentiment de vide intérieur, d'isolement, d'absurdité de l'existence. Angoisse de la pauvreté et de la solitude due à l'aliénation de soi.
- grandiosité dans une forme de masochisme moral : critères particulièrement rigoureux qui ne valent que pour lui
- pensées ou actes considérés comme vils ou mauvais pour lui mais tolérés pour les autres (les autres peuvent être ordinaires, lui ne se le permettra jamais)

1. Il se moque de ses sentiments, les excuse, les minimise. Il ne prend conscience de ses émotions que plusieurs jours plus tard quand elles ont disparu, voire il n'en prend pas du tout conscience. 

2. Il se voit à travers les yeux des autres, se demandant quel effet il produit, comment il devrait être, quels sentiments il devrait ressentir. 

3. Le vrai soi est dans un état de non communication car il doit être protégé. L'enfant ne sait pas ce qu'il cache. 

     La dépression et le vide intérieur sont le prix qu'il paye ce contrôle. 
     Le vrai soi ne peut communiquer, car il est resté à l'état inconscient et ne s'est pas développé, il est dans une prison intérieure. Sa sensibilité, sa faculté de comprendre les autres, d'avoir des sentiments intenses et différenciés, le prédestinent à être utilisé, parfois de façon abusive, par des êtres ayant des besoins narcissiques insatisfaisants. 
     Si l'analyste n'en a pas conscience ou s'il transfère son besoin narcissique sur le patient, le patient peut effectuer un travail fictif pour contenter son analyste.


2. La grandiosité :

- besoin d'être admiré 
- s'admire lui-même pour ses qualités, sa beauté, son intelligence, son talent, ses réussites et ses performances
- dépression s'il perd une de ses qualités, ce sentiment de grandiosité est comme suspendu dans l'air.
- il n'a rien développé qui lui appartienne en propre où il aurait pu trouver un appui
- il investit narcissiquement ses partenaires. Les autres sont là pour l'admirer -> dépendance torturante. Tant qu'on admire ses qualités, on ne l'aime pas pour ce qu'il est vraiment. 
- il est responsable de la fierté ou de la honte de ses parents. 
- il recherche l'admiration de manière insatiable mais qui ne le comble pas vraiment puisque différent de l'amour vrai.
- il est jaloux de ceux qui n'ont pas à être admirés 
- le respect de soi dépend de ses qualités, performances, fonctions qui peuvent s'effondrer. 
- il recherche un partenaire dépressif à côté duquel il brille et qui l'admire.



Les points communs entre ces deux profils qui peuvent basculer de l'un à l'autre selon le contexte :

- faux soi avec perte du vrai soi potentiel
- fragilité du respect de soi dépendant de la réalisation du faux soi au lieu de naître de la capacité de ressentir ses propres sentiments. 
- perfectionnisme : idéal du moi très élevée. 
- déni des sentiments méprisés
- prépondérance des investissements narcissiques des objets
- dispositions à s'adapter nées de la peur de la perte d'amour
- envie à l'égard des êtres sains
- fortes pulsions agressives, détachées donc non neutralisées 
- grande vulnérabilité aux humiliations
- tendance aux sentiments de honte et de culpabilité 
- inquiétude, agitation continuelle



    Une mère ne peut être compréhensive que lorsqu'elle s'est libérée de son enfance et ne peut faire autrement que de réagir sans empathie lorsqu'elle porte des chaînes invisibles.

    Il existe des enfants intelligents, éveillés, attentifs, hypersensibles qui, parce qu'entièrement dévoués à leur mère, sont aussi utilisables, transparents, clairs et manipulables. Ils le resteront tant que le vrai soi (leurs sentiments) restera dans la cave de la maison transparente qu'ils doivent habiter. 

    La mère est incapable de prendre en charge le fonctionnement narcissique de l'enfant et elle-même a des besoins narcissiques insatisfaits. Elle va investir narcissiquement son enfant (cela n'exclut pas une véritable affection). Cet amour n'offre ni la constance ni l'espace dont l'enfant aurait besoin pour vivre ses sentiments et ses sensations. Les besoins de l'enfant ne sont pas intégrés mais refoulés. Ils restent enfouis sous forme archaïque. 
"Le besoin inconscient spécifique de la mère active, parmi les potentialités infinies du nourrisson, celles qui créent l'"enfant" qui est le reflet de ses propres besoins". Cela donne un cadre de référence en miroir auquel s'ajuste le faux self primitif de l'enfant. 




     Tous les enfants d'une fratrie ne sont pas nécessairement investis narcissiquement. Si l'un l'est, les autres peuvent jouir d'une plus grande marge de liberté.


  • En conclusion 


     Beaucoup d'êtres humains gardent toute leur vie ce sentiment de culpabilité, sentiment de n'avoir pas répondu aux attentes de ses parents. Ce sentiment est plus fort que la conviction intellectuelle que ce n'est pas à l'enfant de satisfaire les besoins narcissiques de ses parents. 
     Il faut effectuer un réel travail de deuil de ne pas avoir été aimé pour ce que nous étions. Sans ce travail de deuil, l'adulte met en place cette défense par la grandiosité ou la dépression, ou être dans une compulsion de répétition qui peut aller jusqu'à la perversion. 

Les principales étapes que vit cet enfant sont :
1. Subir dans sa petite enfance des offenses que personne ne considère comme telles
2. Ne plus réagir à la douleur par la colère 
3. Manifester de la reconnaissance pour ces prétendus bienfaits
4. Tout oublier
5. Décharger sur les autres ou contre soi-même la colère accumulée. 

     Il faut donc réapprendre à se connecter à ses émotions profondes de colère, d'injustice qu'on n'a pas pu vivre à cette époque car les risques encourus étaient trop grand pour l'enfant dépendant de ses parents. 

1 commentaire:

  1. ''Il faut donc réapprendre à se connecter à ses émotions profondes de colère, d'injustice qu'on n'a pas pu vivre à cette époque car les risques encourus étaient trop grand pour l'enfant dépendant de ses parents.''

    Oui ! Et depuis quelques années, ça va tellement mieux ! Très bon post.

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