vendredi 1 juillet 2016

Etes-vous sûr de cocher les bonnes cases ?



     L'amour est absurde, injuste et pourtant, on l'attend tous en priant secrètement qu'il soit éternel. Mais l'amour, le vrai, est rarement réciproque. Quand l'un pourrait se contenter d'être dans le coin d'une pièce à seulement regarder vivre l'être aimé, l'autre coche des cases, soupèse, évalue, fait des concessions... ou pas.
     Alors, résignés, beaucoup en viennent à faire inconsciemment des listes :
- beauté
- force physique, vigueur
- intelligence
- niveau social
- loisirs communs
- confort
- tendresse
- faire-valoir

     Il ne faut pas se leurrer, la plupart des gens (tous ?) fonctionnent à l'intérêt : ce que l'autre m'apporte matériellement, intellectuellement, affectivement, en termes de vibrations... 
     Et dans ce grand jeu de la vie, il y a des gagnants et des perdants, des laissés pour compte. Non, il n'existe pas dans ce monde une moitié pour chacun. Et quand bien même vous seriez l'être parfait, le hasard fait en sorte qu'il n'y a aucune garantie que vous croisiez la personne avec laquelle vous seriez bien. 
   Et puis, cocher des cases, c'est rassurant. On peut penser sur du long terme, s'investir, comme un contrat passé à deux. La rencontre s'apparente à un entretien d'embauche, on décortique, on projette, on analyse, on soupèse chaque mot, chaque geste, on se vend, on charme, on met en avant ses atouts pour appâter l'autre. Quand il sera bien accroché, alors on pourra se laisser aller à son naturel nettement moins flatteur, on pourra se recentrer sur soi, ses petits besoins égoïstes. Car tout le monde est égoïste ; même celui qui sacrifie son bien-être aux autres nourrit une aspiration profondément égoïste, que ce soit de sentir utile, exister, ou d'avoir l'estime d'être quelqu'un de bien. Certains cochent des cases pour prendre une revanche sur la vie, réparer une injustice subie, monter dans l'échelle sociale...

   Mais qu'en est-il d'être soi-même, d'être en confiance, de partager profondément avec l'autre en dépit de conditions rationnelles, de vivre dans le présent, s'abandonner à l'autre, de créer cette espace dans lequel la lutte est inutile ?
     Une vague utopie que certains se persuadent de vivre, réinventant leur histoire pour mieux la savourer, voire la regretter, mettant le voile sur ce qui dérange et exagérant le reste. Au fond, l'amour n'est qu'un fantasme...

   Je terminerais cet article par des extraits de "Belle du seigneur" d'Albert Cohen, ou comment Solal parvient à séduire Ariane, quelles sont ses méprisables stratégies qui fonctionnent... malheureusement terribles. Ames sensibles s'abstenir, voici la réalité dans sa nudité la plus crue !