samedi 16 avril 2016

La pédagogie noire et ses alternatives



Le plus grand danger pour un enfant, ce sont ses parents 



     La pédagogie noire est le nom donné par Alice Miller pour cette éducation faite dans la violence et dans la terreur. Souvent,, lorsqu'on parle de violences, certains adultes admettent avoir reçu des baffes ou des fessées de leurs parents et affirment que c'est grâce à cela qu'ils sont devenus quelqu'un de bien, et que donc, puisqu'une claque n'a jamais tué personne, c'est une façon légitime d'apprendre à un enfant de bien se comporter dans la société.
Je vais tenter de vous expliquer exactement en quoi consiste la pédagogie noire, quelles en sont ses conséquences et vous donner des pistes afin de faire autrement.


Pour des raisons de simplifications de l'écriture, je parle de la mère. Mais elle peut être substituée par toute personne d'attachement primaire de l'enfant.







Les besoins fondamentaux


     Comme je l'ai déjà expliqué dans mon article sur la CNV, nous avons tous des besoins fondamentaux :
- de survie (besoins vitaux primaires)
- de sécurité (affective et matérielle)
- de socialisation (sentiment d'appartenance à un groupe)
- de reconnaissance (participer à la vie du groupe)
- de différenciation (être reconnu pour ses propres pensées, goûts, émotions et pouvoir les exprimer)
- d'évolution (que l'on s'adapte en fonction de son âge)
- d'individualisation (avoir des relations personnalisées)
- de réunification (sentir qu'on est un tout fait de contradictions, de sentiments conflictuels, d'incohérences : ex : autonomie/besoin de soin).

     Alice Miller résume tout cela comme un besoin fondamental de l'enfant d'être pris au sérieux, d'être considéré pour ce qu'il est afin de développer un narcissisme sain.



    C'est la possibilité de se reposer sur quelqu'un, de trouver du réconfort et de la sécurité nécessaires pour s'ouvrir sur le monde. C'est un besoin primaire vital car la survie du bébé en dépend. Il met en place, de façon innée, des comportements visant à attirer l'attention, l'empathie et la sécurisation de l'adulte :
- il pleure
- il s'agrippe
- il sourit
- il suit du regard sa mère
- quand il en est capable, il la suit physiquement etc.

               . Base sécurisante

L'enfant a besoin de se ressourcer auprès de sa mère avant d'oser explorer un nouvel objet. Ses capacités d'indépendance sont étroitement liées à la sécurité dont il sait qu'il bénéficiera si besoin.

               . Maîtrise de l'environnement

   L'attachement doit conduire à l'autonomie. L'enfant devient de plus en plus capable de se débrouiller seul, de discerner lui-même les menaces extérieures et ainsi de se détacher progressivement de l'assistance de l'adulte. 
     Dès les premiers jours de sa vie, le nourrisson a des comportements différents selon s'il est face à une personne (expressions faciales, vocalises) ou face à un objet (mouvements de préhension avec des expressions faciales neutres). L'adulte sécurisant va adapter la flexibilité du rythme, de la prosodie de son langage aux états de l'enfant :
- plus lent s'il est énervé
- accéléré et changeant s'il manifeste du désintérêt.

                . Intersubjectivité primaire

     C'est ce qui permet de communiquer entre deux ou plusieurs individus des états subjectifs internes ainsi que de percevoir ceux de l'autre. C'est inné, le bébé en est capable dès la naissance.
     L'enfant a donc un besoin de contingence des gestes maternels, c'est-à-dire qu'il doit percevoir les liens de cause à effet afin d'apprendre à s'adapter aux conséquences de ses actions dans son environnement : ex :
- pleurer -> nourriture ou réconfort
- sourire -> attention soutenue de la mère

     S'il n'y a pas de contingence, l'enfant sera dans l'incapacité de se connecter à l'autre, il ressentira un malaise, de l'insécurité qui stoppera chez lui l'envie d'explorer et de découvrir l'autre. La mère doit donc introduire le juste degré de nouveauté (variation) à partir d'un contexte familier (répétition) qui va le sécuriser et l'encourager à s'ouvrir au monde sans peur de l'inconnu.


     La référenciation sociale est le processus dans lequel un individu utilise l'évaluation par autrui d'un événement ou d'une situation pour en formuler sa propre interprétation. Cela se fait lorsque l'enfant passe à un niveau secondaire d'intersubjectivité. Le face à face avec la mère fait peu à peu place à une attention commune pour les objets ou les événements de l'environnement (vers 4 mois). Le bébé commence à se représenter les états mentaux de l'autre vis-à-vis du monde extérieur. Cela a été démontré dans le test du pont de verre où l'enfant se réfère aux expressions faciales et aux intonations de la voix de sa mère pour décider de traverser ou non le pont. C'est la qualité de cette émotion partagée et de sa pertinence par rapport à la situation qui conforte de manière fondamentale l'exploration de l'environnement par le bébé.
     L'enfant utilise sa mémoire procédurale qui lui donne un modèle interne opérant :
- modèle de soi plus ou moins apte à être aimé
- modèle des autres plus ou moins attentifs à ses besoins.
S'il est bien entouré, il aura un modèle de soi capable d'attirer l'attention et d'obtenir du réconfort, ce qui lui assurera la confiance nécessaire pour explorer. S'il est rejeté ou délaissé, il aura le sentiment qu'on ne peut compter sur personne et hésitera à s'aventurer vers l'inconnu.

               . Différents types d'attachements

Modèle sécure
     C'est une mère sensible aux signaux de son enfant, réceptive à sa détresse, qui répond à ses besoins de façon satisfaisante, qui s'adapte aux comportements générés par le système d'attachement de l'enfant. face à elle, le nourrisson peut exprimer librement ses émotions. En grandissant, c'est un enfant qui a moins besoin de garder le contact avec sa mère, qui est moins enclin à pleurer. Il a confiance en ses propres capacités de contrôle de ce qui lui arrive.

Modèle évitant
     Il s'agit d'une mère qui est peu spontanée, qui éprouve une aversion pour le contact physique.  Elle ne tient pas compte de l'état émotionnel de son enfant. Elle est très contrôlante, impose une manière de jouer, est intrusive. L'enfant, déçu chaque fois qu'il tente un rapprochement, apprend à ne plus faire la demande. Il va être dans l'évitement et dans l'inhibition de son besoin d'attachement pour garder le contrôle d'une colère trop intense pour être tolérable psychologiquement et éviter une désorganisation comportementale. Il est dans l'impossibilité d'exprimer ses émotions, il les met de côté et s'emploie à ne plus en tenir compte. Les enfants d'une mère insécure présentent une indifférence apparente au départ et au retour de leur mère alors que leur taux de sorbitol (hormone du stress) et leur rythme cardiaque sont supérieurs à ceux des enfants d'une mère sécure.

Modèle ambivalent/résistant
     C'est un modèle basé sur l'imprévisibilité des soins. La mère est tantôt intrusive et exagérément affectueuse, tantôt indisponible. Elle maintient ainsi son enfant dans une relation de dépendance centrée sur son propre besoin d'attachement. Ne sachant pas s'il peut compter sur elle, l'enfant développe un sentiment d'anxiété et éprouve de la colère car ses besoins ne sont pas pris en compte. Il fait des efforts incessants pour attirer l'attention, il alterne entre ressentiment face à la frustration et culpabilité de ne pas arriver à attirer l'intérêt de sa mère. Souvent, ces mères n'ajustent leur comportement que lorsque l'enfant exprime de la peur. Ces enfants apprennent donc à détecter dans l'environnement les moindres stimuli alarmants qui justifient le besoin d'être assistés.  Il sont dans une hyperactivation de leur système d'attachement qui leur empêche l'exploration de l'environnement.

     On voit déjà dans ces explications sur l'attachement les différentes forces qui entrent en jeu dans la relation parent-enfant qui peut être ainsi déséquilibrée et engendrer des difficultés à l'âge adulte.


  • La pédagogie noire



     Pour bien comprendre combien elle peut être insidieuse, je vous conseille la lecture de "C'est pour ton bien" d'Alice Miller.


Sa mise en oeuvre

     Les défenseurs de la pédagogie noire partent du principe que l'enfant est intrinsèquement mauvais et qu'il faut le dresser pour qu'il s'adapte à la société dans laquelle il vit. Il y a d'ailleurs un parallèle assez éloquent entre le pouvoir de l'adulte sur l'enfant et le pouvoir de Dieu sur l'homme. La notion de punition divine, de châtiment, de devoir, le fait de devoir réprimer ses émotions tant positives (la libido) que négatives (la colère) découlent de l'interprétation de la Bible par les chrétiens afin de contrôler le peuple.

   Le but donc de la pédagogie noire est de briser la volonté de l'enfant pour en faire un être docile et obéissant. (cf. la ruse éducative et la citation de Rousseau dans mon article sur la manipulation). Les adultes déterminent ce qui est bien ou mal sans l'expliquer et induisent l'obéissance aveugle de l'enfant par la peur de la punition, du désamour, de l'abandon, de leur déception à l'égard du comportement de l'enfant. La terreur doit être tellement intériorisée que l'enfant enfouit sa colère au plus profond de lui et en vient à confondre cette relation basée sur la violence avec de l'amour et une volonté du parent de le protéger : "tant qu'il me bat, c'est que j'existe, qu'il prête attention à moi".



     Au niveau personnel, une personne victime de violences dans l'enfance va développer des besoins détournés de ses besoins réels :
- un besoin inconscient de reporter sur un autre les humiliations qu'il a lui-même subies dans l'enfance
- un besoin de trouver un exutoire à ses affects refoulés
- un besoin de combler le vide affectif en possédant un objet vivant et manipulable qui répondra enfin, comme ne l'ont pas fait ses parents, à ses besoins affectifs
- un besoin de préserver l'idéalisation de ses propres parents pour ne pas perdre l'illusion d'avoir été aimé
- une peur de la liberté, un besoin de guide, un manque de confiance en ses propres choix
- une peur de la réémergence du refoulé qu'il va chercher à tuer chez son enfant comme il a été tué chez lui-même
- un désir de vengeance pour les souffrance injustement endurées, une jalousie vis-à-vis de celui qui a une liberté que lui-même n'a pas eu, à fortiori si c'est son enfant .

   Ce qu'il faut comprendre, c'est que lorsqu'on apprend à un enfant à enfouir ses émotions, il apprendra à son enfant à les enfouir ; si on se moque de lui, il se moquera d'autrui, si on l'humilie, il apprendra à humilier, si on le tue intérieurement, il apprendra à tuer. Il va introjecter, c'est-à-dire faire siens, les désirs et les espoirs contradictoires ou irréalistes de ses parents et va s'en infliger les contraintes. Cela peut le conduire à développer des névroses, des psychoses, une toxicomanie mais peut même le pousser au suicide quand le meurtre de l'enfant en lui a été tellement introjecté qu'il ne peut plus que le réaliser.

   Les punitions ont également des conséquences et sont contreproductives :
- la rancoeur face à l'injustice fait que l'enfant perd sa confiance en l'adulte
- le désir de revanche qui fait qu'il cherchera plus durement à gagner à la prochaine confrontation 
- la volonté de rébellion qui lui fera refuser de se soumettre même lorsqu'il sera en situation de danger
- le retrait, c'est-à-dire apprendre à faire les choses dans le dos des adultes "pas vu, pas pris"
- une baisse de l'estime de lui-même "je suis nul, méchant, je mérite de souffrir voire de mourir".

     D'un point de vue plus général, la manipulation, le fait de briser la volonté de l'enfant, de le détacher de ses propres besoins et de ses émotions en font un sujet idéal pour la manipulation notamment la manipulation de masse dont on a pu voir les ravages sous le régime nazi.


Ses conséquences au niveau du cerveau

     Les émotions sont des réactions biologiques naturelles à un événement extérieur visant à nous faire réagir d'une manière adaptée, ex : le réflexe, si quelqu'un lui marche sur le pied, spontanément, un enfant va le repousser. Certains adultes ont réussi à faire taire jusqu'à ce réflexe.

     L'expression verbale des émotions induit un bien-être car elle permet :
- d'être rassuré, écouté, réconforté
- d'évacuer le stress
- de confronter ses réactions à la situation avec une personne de confiance et de réajuster sa mémorisation de cette situation.

     Le cerveau de l'enfant est immature. Ses émotions sont ressenties comme plus fortes mais il n'a pas la maturité pour prendre du recul et se calmer seul. Dans cette situation, le punir va déclencher une sécrétion d'hormones du stress (adrénaline et cortisol) qui sont toxiques pour son cerveau et en inhibent la maturation. A l'inverse, l'empathie va entraîner une libération d'ocytocine qui est l'hormone principale de l'empathie, qui agit comme un anxiolytique face au stress, qui permet de se sentir confiant en soi et de coopérer. L'ocytocine est accompagnée d'autres hormones : les endorphines (hormones du bien-être), la sérotonine (stabilisant de l'humeur), la dopamine (qui stimule la motivation et la créativité).



  • Des alternatives pour accompagner son enfant


     Certains pensent que si l'on ne recourt pas à la violence, on ne donne pas de limites à l'enfant, et qu'on va en faire un délinquant ou un meurtrier. Mais les alternatives ne consistent pas à laisser faire à l'enfant tout ce qui lui passe par la tête. Il s'agit d'apprendre à poser des limites en respectant son'intégrité. Il a besoin de limites, cela le sécurise, lui montre que son parent se préoccupe de son bien-être et de sa sécurité. Il les recherche sans cesse. Mais si elles sont contradictoires, instables, il ne peut s'y fier. Il perd confiance en ses parents. Si elles sont injustes, il éprouve de la colère qu'il doit apprendre à réprimer. L'une des clés réside dans le fait de comprendre les besoins de l'enfant, de lui expliquer les limites et leurs justifications et de lui proposer des alternatives pour combler ce besoin. Compatir à sa frustration, lui permettre de l'exprimer et le réconforter lui permettront de se sentir pris en compte, de savoir qu'il a le droit, que ses réactions sont normales et ainsi, peu à peu de mieux les gérer car il pourra les identifier et saura comment les évacuer.

Donner des choix

     Pour que l'enfant se sente plus libre, autonomisé, il faut lui montrer qu'on peut lui faire confiance, que les domaines dans lesquels il a le choix évoluent en fonction de ses capacités de discernement. Donner de la valeur à sa parole, l'accompagner dans l'expression de ses problématiques et dans sa recherche personnelle de leur résolution. 

Anticiper

    Prévoir les situations dan lesquelles l'enfant va s'ennuyer, va être soumis à l'envie, à la frustration, à des dangers, permet de lui expliquer les choses avant, hors de la tension de la situation, en lui permettant de poser des questions pour bien la comprendre. Ainsi, on n'est pas dans l'urgence et lorsque la situation se présente, on peut lui dire : "tu te rappelles, on en a discuté tout à l'heure" et résumer rapidement les points importants qu'il pourrait avoir oubliés.
Quand on est capable d'anticiper pour engueuler, on est capable aussi de se déplacer pour accompagner
Autonomiser

     On a tendance à faire à la place de l'enfant (lacer ses chaussures, débarrasser la table) parce qu'on pense gagner du temps notamment le matin quand on est pressé, qu'on doit partir au travail etc. Dans cette situation, l'enfant ne développe ni son autonomie, ni sa confiance en soi et le gain de temps est en fait illusoire. Si on prend le temps, une, deux, ou trois fois, de l'accompagner pour qu'il le fasse lui-même, de valoriser sa réussite, on lui permet d'acquérir de l'autonomie et on se décharge de contraintes injustifiées.


Le caprice

     Un caprice est un comportement que l'adulte ne comprend pas. Il résulte de plusieurs choses :
- une immaturité neurologique à gérer une émotion
- un exutoire à des stress continus que l'enfant s'épuise à gérer
- une insatisfaction d'un besoin primaire (appartenir à la famille, se sentir utile) qu'il peut détourner vers un besoin secondaire plus facile à exprimer
- un comportement acquis par essai/erreur quand il comprend que le parent finit par céder.
Adapter les demandes

     Il s'agit de lui permettre d'avoir des exutoires dans un environnement moins contraignant, adapté à ses besoins. Ne pas exiger plus que ce dont il est capable car cela entraine un sentiment d'incapacité, une mésestime de soi. Ne pas sous-estimer ses capacités non plus, car il se désintéresse de ce qui est trop facile, il ressent de la frustration à ne pas être pris en compte pour ce qu'il est réellement capable de faire.



Poser des limites

     Pour poser des limites, il faut d'abord veiller à ce que ses besoins (de survie, de contacts, de dépense physique) soient comblés. En effet, on ne va pas mettre au lit un enfant sous prétexte que c'est l'heure alors qu'il n'a pas mangé etc. Une fois que ses besoins sont satisfaits, on peut mettre en place plusieurs choses :

Enoncer des règles positives, claires et personnalisées. clarifier les attentes et les demandes, donner des informations pratiques sur les conséquences (mettre le lait au frigo pour ne pas qu'il tourne).

Faire des rappels brefs : "pyjama", "les dents", plus clair qu'un long discours, surtout si on lui a déjà expliqué pourquoi.

Proposer des alternatives quand c'est possible.

Si il y a un danger physique important, on peut le tenir dans ses bras le temps que la situation soit sécurisée, en acceptant sa réaction de colère et de frustration, en lui permettant de les exprimer et ensuite en lui expliquant les raisons de notre action.

Exprimer clairement nos propres besoins : besoin de calme, de respect, d'aide pour ranger etc. Cela permet à l'enfant d'apprendre à tenir compte de l'autre et d'être responsabilisé à hauteur de ses compétences, bien évidemment.

Exprimer ses sentiments, être précis sur le vocabulaire, cela permet à l'enfant d'associer notre comportement à une émotion et d'apprendre à en tenir compte. (je suis fâché =/= je suis en colère).

Le laisser expérimenter les conséquences de ses actes : réparer au lieu de punir, adapter la réparation à l'âge de l'enfant.

Ne pas l'enfermer dans un rôle ou une étiquette : "tu es méchant" =/= "tu as fait une bêtise"

Faire ensemble : on lui montre ainsi ce que l'on attend de lui, la démonstration permettant de disperser les malentendus, et on valorise ses actions associées au plaisir de faire ensemble.

S'il n'entend pas quand on lui fait une remarque :
     . soit il est trop absorbé dans son activité. A ce moment-là, on s'approche de lui, on fait en sorte d'attirer son attention.
     . soit il a entendu mais comme il ne sait pas ce qu'on attend de lui, il feint l'ignorance. On lui fait reformuler ou bien on lui montre ce qu'on veut qu'il fasse.
     . soit il peut aussi être perturbé par quelque chose et dans ce cas, il n'est pas réceptif. Commencer par l'écouter et l'aider à résoudre cette perturbation.

Décrire ce que l'on constate d'un acte plutôt que l'action qui y a conduit est moins culpabilisant donc plus facile à entendre : "la salle de bain est trempée" =/= "tu as mis de l'eau partout".

Résolution de conflit :
     . parler des sentiments et besoins de l'enfant sans jugement
     . parler de nos propres sentiments et besoins
     . écrire toutes les idées de résolution du conflit sans les évaluer
   . trouver ensemble une solution mutuelle en discutant de ce qui est acceptable pour chacun.

Passer un contrat :
     . évaluer la situation problème
     . nommer l'objectif du contrat
    . prévoir une progression dans la réalisation du contrat qui valorise les efforts de l'enfant (gérer son linge sale...).

Faire des demandes sur mode de jeu :
     . tirer au sort les tâches à réaliser par chaque membre de la famille
     . poser des défis : course pour ranger sa chambre...
     . Jacques a dit
     . faire des listes des désirs de chacun et expliquer comment, nous adultes, nous les différons.

Contourner les impasses :
     . échanger les rôles parent-enfant
     . faire preuve d'attentions : massages, câlins, jeu limité dans le temps
     . sortir se défouler
     . écouter de la musique
avant de revenir à la situation.

Rester ouvert aux périodes de régression : la régression permet à l'enfant d'asseoir ses acquis. Une fois passée et accompagnée, l'enfant est rassuré et peut retrouver son autonomie.

Etre un exemple : être à l'écoute, être coopératif, être respectueux. Le meilleur apprentissage se fait dans l'imitation et c'est inné. 



dimanche 10 avril 2016

Prostitution et pornographie, même combat ?




     Il s'agit d'un sujet très sensible où se côtoient idées préconçues, intérêts personnels et autres biais qui ne permettent pas de se poser la question de manière objective. Si, en ce qui concerne la prostitution, une grande partie de la population est unanime pour dire que certaines femmes en souffrent, certains clichés laissent penser qu'il peut s'agir d'un métier librement consenti et qui peut même être gratifiant pour la personne qui l'exerce. En ce qui concerne la pornographie, le constat est presque pire puisque les victimes sont encore plus éloignées humainement du consommateur, encore plus objectivées derrière un écran qui réduit les dernières traces de culpabilité.  

      Dans cet article, je parlerai essentiellement des femmes parce qu'elles sont la majorité des victimes de la prostitution. Mais tout est transposable aux hommes qui en sont également victimes.



  • Idées reçues

Il existe un certains nombres d'idées reçues qui empêchent d'avoir un vrai débat sur le sujet. Je vais tenter de vous démontrer en quoi je pense que c'est biaisé.


Le viol, culturel ou naturel ?

Des sacrifices pour le bien de tous

     Pour des hommes qui ont recours au chantage, au harcèlement, à l'abus de pouvoir pour imposer aux femmes un rapport sexuel, le viol n'en est que la dernière étape. Pour ces hommes, les femmes sont des objets et c'est assez socialement accepté, quand on voit la pauvreté des descriptions de la sexualité masculine qu'on réduit bien souvent à une décharge physiologique en omettant complètement la sphère émotionnelle ou relationnelle dans le désir masculin. Dans ce contexte, certains justifient la pornographie comme un sacrifice de femmes à ces "monstres" afin qu'ils ne s'en prennent pas à l'une d'entre celles que l'on considère de plus grande valeur. 


Aspects naturels de la pulsion sexuelle

  Selon Philippe Brenot, psychiatre, il n'y a pas de pulsion innée qui pousse à l'accouplement. Le sexe est culturel, le fruit d'apprentissages. La neurobiologie n'a aucun argument pour justifier ce prétendu instinct. Notez que l'on parle de désir sexuel et non de besoin comme le besoin alimentaire, le besoin de sommeil etc...
    Pour appuyer ces affirmations, je citerai le cas des animaux. Si un animal (mammifères ou oiseaux en particulier) n'est pas en contact avec ses congénères lors de la période d'imprégnation sexuelle, qui est bien plus précoce que la puberté, mais qu'il est entouré d'animaux d'une autre espèce, il développera un désir sexuel pour cette autre espèce.



Qui sont les prostituteurs ?

    Le problème est donc un problème culturel de gestion de la frustration. Certaines personnes ont la maturité nécessaire pour la supporter, d'autres sont restés immatures et pensent qu'il s'agit d'un besoin. Les sex buyers (ou prostituteurs) sont des hommes souvent en couple, qui vont chercher ce que leur femme ne leur permettrait pas de faire dans leur chambre. Ce sont des pratiques sexuelles dans lesquelles la femme est objectivée : scatologie, sodomie, violence... Ils sont plus souvent coupables d'agressions. Ils recherchent avant tout la domination de la femme. 
    Dans l'étude " sex buyers  compared" (2015) Mélissa Farley décrit les acheteurs du sexe comme présentant une structure similaire aux hommes ayant un trouble de la personnalité antisociale (psychopathie) :
- manque d'empathie
- misogynie
- désir de dominer la femme
- pratiques sexuelles sans volonté d'entrer dans une relation
- absence de mauvaise conscience
Dans cette étude,
- 27% ont répondu avoir commis des actes sexuels coercitifs
- 19% ont répondu avoir commis des viols
- 54% admettent être violent sexuellement avec leurs compagnes
- 50% trouvent ridicule l'idée qu'une prostituée puisse être violée
     Les prostituteurs sont sept fois plus nombreux à dire qu'ils violeraient une femme s'ils pouvaient le faire en toute impunité. 


La culture du viol ?

Selon Peggy Reeves Sanday (1982), il existe plusieurs types de cultures :
- culture sans viol (rare ou absent) : 47%
- culture où le viol est présent mais sur lesquelles on a trop peu de données : 35%
- culture encline au viol : 18%


Cultures enclines au viol

- le viol est autorisé ou sa gravité est banalisée
- le groupe des hommes est opposé à celui des femmes : répartition des rôles etc...
- l'épouse est considérée comme la propriété de l'homme
- il s'agit de société patriarcale à domination masculine
- on y trouve une forte proportion de violence interpersonnelle
- les inégalités économiques sont visibles


Cultures sans viols 

- c'est un fonctionnement matrilinéaire
- les femmes sont traitées avec beaucoup de respect pour leur rôle reproducteur
- les deux sexes sont considérés équitablement
- il y a une reconnaissance de l'autorité et de l'autonomie des femmes
- il y a transmission maternelle de l'héritage
- la violence interpersonnelle est très rare
- la division du travail est peu marquée, les prises de décisions sont communes
- il y a deux rôles bien distincts des hommes : le père et l'oncle maternel
     - le père subvient aux besoins de l'enfant sans recours à l'autorité, il est dans une relation émotionnelle avec son enfant
         - l'oncle maternel représente l'autorité
Cela induit que l'homme qui représente le partenaire sexuel de la mère n'est pas assimilé à l'autorité. Les interactions sexuelles sont bien distinctes des relations de domination



    Certaines associations pour handicapés revendiquent le droit au sexe pour leurs membres. Humainement, il est difficilement envisageable qu'une personne soit privée de relation sexuelle sous prétexte d'une infirmité. Cette préoccupation est louable, mais s'appuie sur un biais qui ferait du sexe un simple produit de consommation. Or il en va des relations sexuelles comme des relations affectives, elles s'établissent dans un échange librement consenti entre deux ou plusieurs personnes. On ne fait pas cas des personnes en manque affectif et on ne loue pas des amis pour compenser ces manques. Vous m'objecterez que les psys ont un peu ce rôle, mais les psys ne s'engagent pas affectivement. Ils sont une oreille. Pourquoi une personne devrait-elle se plier à des relations non consenties pour combler le manque d'une autre ? Cette personne est-elle de moindre valeur ? Et la personne ainsi satisfaite, est-elle réellement comblée dans une relation sans amour, sans envie ? N'est-ce pas un leurre ? Autant de questions auxquelles je vous laisserais répondre.


  • Qui sont ces femmes qui se prostituent ?


     Dans la plupart des cas, lorsqu'on parle de prostitution non consentie, on pense à toutes ces femmes expatriées, arrachées à leur famille, leurrées, appâtées par le rêve d'une vie meilleure, par un prince charmant qui se révèle manipulateur, qui les retient en leur confisquant leurs papiers d'identité, leurs passeport, qui les font plonger dans la drogue etc. Ces femmes vivent déjà dans une telle misère sociale qu'il est d'autant plus facile de les attirer. On pense également aux femmes qui disparaissent, kidnappées par un réseau de prostitution. Le problème est suffisamment grave à lui seul pour justifier qu'on lutte contre de telles pratiques.


La drogue, l'alcool

     C'est une conséquence bien souvent de la maltraitance dans l'enfance, et cela contribue à passer le cap de la prostution pour combler son manque, avoir sa dose. Contrairement à une idée reçue, les femmes qui vivent dans la prostitution ne roulent pas sur l'or que leur rapportent leurs passes. Une grande partie de leurs dépenses est investie dans ces substances qui leur permettent de supporter l'impensable, quand elles n'ont pas été forcées à se droguer par leur proxénète afin qu'il puisse garder une main mise sur elles.


les victimes de violences sexuelles dans l'enfance
     
Michaela Huber, psychologue et directrice de la société allemande pour le traumatisme et la dissociation : "La prostitution n'est en aucun cas un métier comme un autre. Elle est affaire de dégradation, de torture et d'exploitation. Les prostituées vivent beaucoup d'horreurs et de dégoût qu'elles doivent réprimer afin d'arriver à survivre. "
      Qui conçoit même l'idée de vendre son corps ? Comment peut-on supporter une telle violence ?


     Une mauvaise image de soi

     La condition préalable à ce geste est une aliénation de son propre corps. C'est lorsque vous-mêmes en êtes arrivé à considérer votre corps comme un simple objet que vous pouvez le marchander. On ne parle pas de travail à la chaine, on parle de se laisser pénétrer encore et encore dans son intimité la plus profonde par des corps non désirés.
     Selon une étude de Melissa Farley (2003), 55 à 90% des prostituées ont été victimes d'agressions sexuelles dans l'enfance et 59% de maltraitance.


    La  dissociation

- elle court-circuite des fonctions intégratives lorsque le stress devient insupportable
- la conscience est altérée
- il y a une amnésie du moment, voir de ce qui entoure le moment traumatique
- il s'effectue un blocage des sentiments (plus de peur ou de colère)
- la perception est perturbée (sensation d'être dans un brouillard)
- s'ajoute à cela des troubles de l'identité (on ne sait plus qui on est, on joue un rôle)



Qu'en est-il de la notion de choix ?

     Pour permettre à des personnes étrangères de pénétrer son corps, il est nécessaire de supprimer des sentiments naturels : peur, dégoût, mépris, auto-condamnation... A la place de ces émotions, les prostituées mettent en place indifférence, neutralité et une conception fonctionnelle de la pénétration. Elle font une réinterprétation de cet acte pour en faire un travail. Comment, dans ces conditions, dans ces états de conscience aussi troublés, une femme peut-elle être réellement libre ? Comment peut-elle assumer de faire un "métier" qui nuit tant à son estime d'elle-même ? Souvent, c'est bien après en être sortie qu'une femme peut témoigner de l'enfer dans lequel elle était prisonnière, qu'elle peut réaliser ce qu'elle a fait endurer à son corps, qu'elle peut comprendre qu'elle a reproduit le schéma qu'on lui a fait intégrer d'elle-même par le biais de la maltraitance, à savoir qu'elle ne méritait pas mieux, qu'elle ne valait pas plus qu'un objet, que c'était par ce seul sacrifice qu'elle pouvait recevoir une attention, une validation de son corps, de son être, une pseudo-affection.


les actrices porno subissent-elles moins de violences ?
   
    Dans cet article de Gamekult "la face cachée de la pornographie" qui est très bien écrit, on constate que le sort des actrices porno n'est pas meilleur que celui des prostituées. De plus, plusieurs études confirment que les personnes entrant dans la pornographie ont majoritairement été victimes de maltraitance sexuelles, physiques ou psychologiques et présentent les mêmes symptômes de dissociation.
     Je comprends que l'on puisse être attiré par des images ou des films pornographiques, que cela puisse stimuler la libido ou combler un vide relationnel, mais dans ce cas, je ne saurais que vous conseiller de vous orienter vers des films amateurs dans lesquels le consentement des protagonistes ne fait aucun doute. Cela vous permettra de ne pas cautionner et ainsi ne pas contribuer à ce marché de la violence et de la mort.

  • Quels sont les risques ?

Des risques similaires dans la prostitution et la pornographie

   Au-delà de la violence physique et psychologique exercées par le proxénète ou le producteur du film pornographique, par les clients de la prostitution, au-delà des traumatismes physiques et psychologiques et des symptômes qui s'y rattachent, ces femmes encourent de graves risques sanitaires liés à leur précarité (impossibilité de se faire soigner correctement après une lésion physique), une exposition quotidienne aux MST, une majorité des films porno n'ayant pas recours aux préservatifs. S'ajoutent à cela des risques secondaires dus aux conséquences des prises de drogues ou d'alcool, un isolement social qui les rend encore plus vulnérables etc... Et que deviennent-elles quand le marché du sexe ne "veut" plus d'elles ? 


Conséquences d'une société influencée par la pornographie

    Les femmes non prostituées subissent une pression de plus en plus intense pour fournir les mêmes prestations que ce qui est représenté dans la pornographie. 
   L'Etat du Nevada dans lequel la prostitution est légale enregistre un plus grand nombre de viols que la moyenne nationale (Rapport du FBI Uniforme Crim Report). Il en est de même en Suède.
   L'exposition à la pornographie augmenterait de 22% les risques d'agression sexuelles et de 33% l'adhésion aux mythes du viol.


  • Quelles solutions apporter pour éviter cela ?
     L'une des premières choses à prendre en compte dans ce domaine, c'est l'extrême méconnaissance des jeunes et des moins jeunes en ce qui concernent leurs droits, les droits de l'autre dans une relation. Combien de femmes acceptent une relation sexuelle parce qu'elles pensent qu'une fois qu'elles ont accepté un certain rapprochement elles ne peuvent plus dire non ? Cette connaissance passe par un apprentissage de ses droits, des droits au respect de soi, à ses limites, au fait que l'on peut dire non, stop, à tout moment, même au cours d'un acte sexuel. Cela doit s'accompagner d'un apprentissage des émotions, la prise en compte de celles de l'autre, de son respect.

    Ensuite, puisque la majorité des prostituées sont d'anciennes victimes de maltraitance dans l'enfance, cela révèle une trop faible prise en charge des violences faites aux enfants, une négligence de l'ampleur de ces maltraitance et une persistance de l'idée selon laquelle le recours à la violence est un mal nécessaire pour éduquer son enfant. Les études montrent pourtant que c'est le contraire que l'on observe. Une personne ayant subi des violences éducatives, familiales, qu'elles soient physiques ou psychologiques, a plus de risques de reproduire ces actes à l'âge adulte, de reporter sa violence sur une victime plus faible et d'entrer dans la délinquance. Un enfant a le plus de risque de mourir sous les coups de ses parents que d'accidents domestiques. Je vous renvoie à nouveau à Alice Miller "C'est pour ton bien", pour détailler ce sujet.

   Enfin, d'un point de vue législatif, certains pays ont opté pour la légalisation de la prostitution au moyen de maisons closes (l'Allemagne notamment). Mais on peut se demander comment une femme pourrait être en sécurité dans un lieu fermé, à la merci de plusieurs hommes qui se sentent investis de tous leurs droits sur elle. De plus, il s'agit de lieux d'exploitation économique où les femmes sont censées rembourser une location et payer leur proxénète avant de toucher le moindre euro. Et l'on constate que ces lieux ne sont pas particulièrement surveillés d'un point de vue sanitaire, ces femmes vivent le même isolement et dans la peur d'être jetées quand elles ne seront plus au "goût des clients".

   Est-ce qu'une sanction des clients ou même une condamnation ou une obligation de suivi psychologique permettraient d'endiguer ce phénomène ? Je ne sais pas mais cela semble plus juste que ce soit à ceux qui exploitent ces femmes sans aucune culpabilité d'en payer les conséquences.


    Les promoteurs des "travailleuses du sexe" sont majoritairement des femmes blanches, de classe moyenne qui prennent pour acquis que le choix est un concept évident. Mais peut-on parler de travail lorsque l'on voit les implications psychologiques d'une telle activité ? Combien de prostituées sont-elles réellement heureuses de cette situation (si l'on exclut celles qui sont dans le déni et qui ne réaliseront que lorsqu'elles en seront sorties) ? Est-ce qu'une minorité de cas de prostitution choisie et bien vécue doit masquer l'ampleur de la catastrophe sanitaire qui se joue pour autant de femmes ?

vendredi 8 avril 2016

Parlons manipulation

    




 Que ce soit dans le livre d'Alice Miller, par rapport aux dérives zèbres ou bien en lien  avec la CNV, l'une des grandes craintes est la manipulation. En quoi se distingue-t-elle de la pédagogie ? Pourquoi et comment elle se met en place ? Comment réussir à ne plus lui donner de prises ?



  • Peut-on confondre manipulation et pédagogie ?



     La pédagogie a pour objectif d'accélérer la progression et de rendre autonome. Mais cette intention n'est pas suffisante pour la distinguer de la manipulation. Il est important qu'elle prenne en compte les capacités de l'autre, qu'elle ne joue pas sur ses failles, qu'elle ne le mette pas en danger psychique.

    La manipulation consiste à conduire une personne à faire une action qu'elle n'a pas vraiment envie de faire pour des raisons d'intérêt personnel ou de compétences matérielles, intellectuelles ou psychologiques.

     Certains pédagogues, cependant, admettent l'utilisation de ce qu'ils appellent la "ruse éducative" qui est une technique d'influence indirecte qui inclue occasionnellement le recours au mensonge. Philippe Meirieu l'intègre dans ses cours de pédagogie "l'histoire des doctrines pédagogiques". La frontière est ténue entre l'influence légitime qui peut conduire à l'autonomie et l'emprise abusive qui engendre la soumission. Le dialogue, la transparence dans la communication et l'argumentation franche restent primordiales en termes d'influence éducative.

Rousseau disait : "Il n'y a point d'assujettissement si parfait que celui qui garde l'apparence de la liberté. On captive ainsi la volonté même. Sans doute, il ne doit faire que ce qu'il veut, mais il ne doit vouloir que ce que vous voulez qu'il fasse".

La ruse s'appuie donc sur plusieurs choses :
. La scène de l'action :
     - dissimulation
     - imprévisibilité
     - anticipation
     - sens de l'adaptation
. Le contrôle de soi :
     - microruses comportementales
     - regards
     - mimiques
     - paroles

a) Les techniques paradoxales
     Ce sont des techniques utilisées en psychologie. Elles consistent en influencer l'autre en prenant soin de ne pas le contredire. C'est-à-dire que l'on reprend ce que dit l'autre ou bien la situation dans laquelle il se trouve et on le transfère dans un autre contexte physique ou émotionnel afin de l'influencer.
     On peut aussi reformuler ce qu'il dit ou la situation en l'amplifiant, en faisant mine de le conforter  (ex: dire à des élèves qui bavardent : "Bavardez !" -> arrêt net des bavardages). 

b) Théorie de l'engagement
     Ce sont principalement des pratiques commerciales. J'imagine ça comme coincer le pied dans l'entrebâillement de la porte du pigeon potentiel. Cela se passe en deux temps. Dans un premier temps, on propose des cadeaux engageant moralement l'autre, qui s'est prêté au jeu, à accepter le deuxième temps. C'est une amorce qui donne un sentiment fictif de liberté : don/contre-don.

c) Influence mimétique
   Il s'agit de l'apprentissage par imitation et qui est naturel chez une grande partie des mammifères (langage, techniques de chasse...). Mais si on a recours à l'émulation, cela devient une ruse pour pousser plus loin l'autre dans ses limites.

d) Rôle de l'obstacle
     Ce qui est rare et difficile à acquérir éveille le désir. La tâche ne doit pas être trop facile sous peine de démotiver l'élève, mais elle ne doit pas sembler hors de portée non plus. Il faut une adéquation entre l'obstacle et le but désirable (ex: enjeu narcissique = envie de briller, besoin d'avoir raison).




  • Qu'est-ce qui conduit à la manipulation et sur quelles techniques elle s'appuie ?


     Le but de la personne qui a recours à la manipulation est de conduire l'autre à se conformer à une chose pour laquelle il ne serait pas consentant dans un contexte normal. Cela peut être conscient, comme on l'a vu dans la "ruse éducative" ou inconscient pour combler un besoin le plus souvent narcissique (cf. Alice Miller et la partie "Besoin" de la CNV). Une personne qui manipule est assez douée en interprétation des implicites de l'autre. On dit souvent qu'elle n'a pas d'empathie, mais je ne le pense pas. Selon moi, elle utilise son empathie pour savoir ce que veut l'autre, et s'en servir à son propre bénéfice.

     Pour cela, le manipulateur joue sur tout un panel de techniques.

a) les strutures émotionnelles et psychologiques sur lesquelles il va jouer :
- personnes sensibles et émotionnelles : il joue avec leurs émotions, il fait en sorte qu'elles aient de la compassion pour lui
- personnes qui ont un fort sentiment de culpabilité : il joue dessus, leur rappellent leurs dus, exagère leurs responsabilités
- personnes sensibles aux approches rationnelles : il prépare des arguments qui s'enchainent selon une logique qu'il a prévue, il utilise la persuasion

b) maîtriser ses émotions ou simuler des émotions factices
La personne qui manipule peut paraître très distanciée émotionnellement et elle va utiliser le recours à l'émotion pour faire pression sur l'autre et le déstabiliser. Elle peut tout aussi bien feindre la colère que la tristesse profonde mais contrairement à une personne normale, elle sort de cette émotion d'une façon soudaine et surprenante pour reprendre la maitrise de son discours.

c) Imiter le comportement de l'autre
C'est une technique qui fait ressentir à l'autre une proximité, une impression de compréhension mutuelle. Il imite ses gestes, ses paroles, lui fait penser qu'ils appartiennent au même groupe, et ainsi suscite sa confiance.

d) Donner de l'importance à l'autre
Elle vous fait sentir exceptionnelle, rare, elle vous regarde dans les yeux, vous montre l'envie de mieux vous connaitre, apprécie vos propos, partage vos gouts etc... tout cela dans le but de créer une proximité et une valorisation narcissique qui fait que cette relation vous apporte une forme de reconnaissance de vous-même. Mais cela au prix de quels retours ? Que devez-vous faire pour ne pas la décevoir ? La relation est-elle équitable ?

e) Enchainer demande démesurée et demande raisonnable, inspirer la crainte puis le soulagement
En gros, jouer sur le décalage pour faire accepter une demande moindre mais tout de même abusive. Souffler le chaud et le froid. Vous complimenter un jour sur vos capacités et vous casser le lendemain pour les mêmes capacités.

f) Echanger un service par un autre de moindre valeur
Déséquilibrer l'échange tout en insinuant que c'est un échange équitable en jouant sur votre incompréhension de la valeur réelle de son sacrifice.

g) Maintenir une forme d'ignorance
Il reste évasif sur ses motivations, suggère que vous n'avez pas tous les éléments pour comprendre mais qu'il ne vous les donne pas pour vous protéger, il noie les informations dans un flot qui ne vous laisse pas le temps de réfléchir posément, vous embrouille la tête de choses parfois contradictoires avec l'affirmation de la logique de son raisonnement.




  •  Comment s'en protéger ?



   Face à la manipulation, on se sent souvent démuni, on doute de soi, on est parfois épuisé psychiquement et on a du mal à faire la part des choses. La première chose est de ne pas rester isolé. Si vous n'avez pas d'amis proches, votre médecin ou un psy peuvent vous écouter. Ensuite, n'hésitez pas à noter les éléments qui vous indiquent que vous subissez une pression.
   Lorsque vous ne pouvez pas faire autrement et que vous devez lui faire face, il y a plusieurs choses à comprendre.

a) Connaître vos propres failles
C'est le but de mon article sur Alice Miller. Cela permet de comprendre ce qu'il se joue en nous, les contraintes que l'on a introjectées et qui justifient à nos yeux notre "sacrifice". Comprendre si l'on est touché par des contraintes émotionnelles, par le sentiment de culpabilité, par la crainte de l'autorité afin de prendre du recul et de faire la part de nos propres responsabilités et de celles qu'il tente de nous imposer.

b) Comprendre comment se met en place la relation
Ce qu'il faut comprendre, c'est que la relation va évoluer progressivement. Il va commencer par de petits abus qui vont lui permettre ensuite d'amorcer des abus de plus en plus grands, parce qu'une fois qu'on a commencé à investir de soi dans une relation, on a beaucoup de mal à y renoncer. Aussi, on peut avoir honte et vouloir à tout prix se prouver qu'on se trompe, qu'on ne peut pas avoir été abusé comme ça. De plus, il est capable de justifier certaines de ses actions par les actes que vous avez pu commettre (ex : si vous avez accepté d'entrer dans l'illégalité, il va pousser de plus en plus loin en exagérant le risque de vous arrêter maintenant).

c) Exprimer posément et clairement son refus
Ne pas lui laisser la moindre faille de doute de votre refus. C'est en ce sens que la CNV ne peut pas permettre de communiquer dans cette situation.

d) Différer sa réponse
En face de lui, vos émotions peuvent brouiller vos capacités de raisonnement. La peur, la culpabilisation, la déception peuvent vous empêcher de répondre comme vous le voudriez ou de formuler clairement une réponse sur laquelle il n'aura pas de prises. Il ne faut donc pas hésiter à lui dire : "je vais y réfléchir" sans donner de délai de réponse sur lequel il pourrait mettre la pression et en n'hésitant pas à demander l'aide de quelqu'un pour débriefer.

e) Si vous acceptez pour éviter le conflit, imposez une contrepartie
"Ca ne m'arrange pas" permet de montrer que vous faites un effort et qu'il devra en faire autant. Faire une demande en retour permet de rééquilibrer l'échange, et s'il refuse, refusez également.

f) Poser les limites de soi avec tout le monde
Si, quelque soit la personne en face, quelque soit la situation, vous arrivez à toujours prendre en compte vos propres limites, si vous réagissez au moindre abus en expliquant que non, vous n'acceptez pas de faire cela ou qu'on vous le fasse, vous diminuerez les risques d'entrer dans des relations inéquitables et les gens qui vous côtoieront sauront comment se comporter avec vous, ce qui leur permettra de vraiment vous connaître et de vous apprécier pour ce que vous êtes vraiment et non pour ce que vous êtes prêt à faire pour elles.

g) Avoir conscience de ses droits
Comprendre que vous avez, comme tout le monde, le droit d'exister, le droit d'être pris en compte par les autres, le droit de dire non, d'être écouté, d'avoir des besoins, de ne pas être parfait, de ne pas répondre à ce qu'on attend de vous sans risquer d'être abandonné, d'avoir des exigences, d'être parfois pénible ou en colère ou déçu ou blessé ou susceptible, d'être égoïste.



     Donc, que le manipulateur soit pervers ou non, qu'il ait l'intention de nuire ou simplement de combler ses propres besoins au détriment des autres, nous devons apprendre à mettre une armure autour de soi, comme une bulle dans laquelle personne ne rentre. Toute pénétration dans cet espace personnel justifie une réaction qui peut être violente, réflexe, défensive. 

mercredi 6 avril 2016

La CNV : nécessaire ou pas ?


     La CNV (communication non violente) date des années 60. Marshall B. Rosenberg s'est inspiré de la pensée de Gandhi et de Krishnamurti. C'est une marque déposée. Mais quel est son but, comment ça marche, quelles en sont les limites ? Est-ce un simple produit marketing ou bien apporte-t-elle vraiment quelque chose dans nos relations ?

  • À quoi sert-elle ?

 

     C'est un outil de communication principalement verbal qui a pour but la résolution de conflits en mettant en place des relations basées sur l'empathie, la compassion, la coopération harmonieuse et le respect de soi et des autres. Que c'est beau...
Elle est beaucoup utilisée dans les relations d'aide, d'accompagnement, de médiation et....de coaching. Tiens donc !
     De plus, elle se combine avec d'autres outils thérapeutiques dont certains sont controversés :
- le coaching
- la Gestalt therapie : centrée sur la manière dont la personne s'ajuste à l'environnement et aux autres
- l'analyse transactionnelle : qui postule des "états du moi" (Parent/Adulte/Enfant)
- la PNL (programmation neurolinguistique) : qui vise à construire des modèles de comportements, à mettre en place des techniques pour augmenter l'habileté relationnelle
- la thérapie systémique : qui aborde la personne au niveau individuel mais aussi environnemental en interprétant les troubles psy comme étant des adaptations normales adapté à un contexte et un environnement défaillant.


  • Sur quoi se base-t-elle ?



    La PNL se base sur la notion de besoins qui se trouvent être le noeud entre les actions des autres et nos sentiments. Quand il y a conflit, c'est parce qu'il y a insatisfaction d'un besoin dans la relation. 



     Les besoins sont universels, indépendants du contexte, et conduisent à agir vers une amélioration. Il existe une infinité de manière de les satisfaire. 

Liste des besoins :
- physiologiques, bien-être physique
- sécurité
- empathie, compréhension
- amour, intimité 
- jeu, distraction
- repos, détente, récupération
- autonomie
- sens, spiritualité 



  • Comment fonctionne-t-elle ?

  





  • Ses limites

 

Le processus de la CNV peut être utilisé de trois manières :
. Communiquer avec soi-même pour clarifier ce qui se passe en soi (auto-empathie)
. Communiquer avec l'autre d'une manière qui favorise la compréhension et l'acceptation du message
. Recevoir un message de l'autre, l'écouter d'une manière qui favorise le dialogue quelle que soit sa façon de s'exprimer. 

En ce qui concerne la première manière, il n'y a rien à redire, c'est plutôt sain de comprendre ce qui se passe en soi. Mais pour les deux autres façons d'utiliser la CNV, deux problèmes majeurs me semblent à noter.


a) manipuler autrui

 

La CNV vise à faire accepter à l'autre une demande. Il est expliqué qu'elle n'est efficace que quand le groupe ou la personne en face ignore le processus de communication dans lequel on interagit
Je ne sais pas vous, mais pour moi, tout de suite, je me dis que c'est de la manipulation. En gros, on nous conseille de bien identifier nos besoins, de bien connaître le vocabulaire pour exprimer nos sentiments (utile si on veut jouer sur la corde sensible) afin de pouvoir effectuer une demande en utilisant des stratégies afin que la personne en face soit dans une attitude positive pour recevoir cette demande. 
Vous me direz qu'il est précisé que dans une demande, à l'inverse d'une exigence, la personne est en droit de refuser, et cela ne doit pas entraîner de frustration, c'est une conséquence envisagée d'avance. Certes, mais tout de même... La limite est plutôt floue et d'ailleurs beaucoup enrobent leurs phrases de délicatesse avec pour seul objetif, en flattant l'autre, de parvenir à leurs fins.
Cela pourrait s'apparenter à de la pression affective cachée donc...


b) être manipulé 

 

Je ne sais pas si vous avez déjà discuté avec une personne à tendance abusive. Pour ma part, j'ai une assez grande expérience de la chose et je peux vous dire qu'une telle personne, si vous faites des demandes enrobées dans de la délicatesse, fera mine de ne pas comprendre. Le simple fait que, dans la CNV, la demande puisse contenir l'implicite que l'autre peut refuser est un levier idéal pour ce genre d'abus. En effet, si vous dites à une personne abusive : j'ai besoin d'être écoutée, elle a vite fait de feindre que cela ne lui est pas adressé en propre. En revanche, comme elle est très sure de ses besoins, elle va profiter du fait que vous vous dévoiliez pour cerner des failles sur lesquelles elle pourra appuyer. 
Dans ce genre de situations, mieux vaut, donc, être capable d'être ferme et déterminé pour poser la limite du respect de soi.



Pour terminer, on peut se poser la question, finalement de l'utilité réelle d'une telle méthode étant donné qu'elle ne s'applique que dans les situations les plus simples. Et dans ces cas là, nos ancêtre n'avaient ils pas eux-mêmes une méthode amplement suffisante ? La politesse.